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 Le destin de

Robert François Damiens

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- Note d'Eric Damiens, descendant de Robert François Damiens et faisant partie de l'équipe Nouzautes -

"Robert François Damiens a donné un coup de canif à Louis XV en Janvier 1757 et a été supplicié en place de grève la meme année avec des raffinements de cruauté, il est donc régicide.
Son supplice considéré au départ comme une fête a ému tous les spectateurs et la royauté à partir de là a perdu de sa popularité.
Voltaire, Michelet ont écrit sur Robert François et beaucoup considèrent son geste comme précurseur de la Révolution.
Né à La Thieuloye il a été élevé par un oncle à Béthune.

Son geste a suscité une grande émotion dans la région et des délégations d'Artois se sont rendues à la cour à Versailles pour implorer le pardon du roi  ( pardon pour la région pas pour Robert François) et même la ville d'Amiens a demandé à changer de nom ! Sa maison natale a été rasée avec interdiction de reconstruire à cet endroit.

Ma famille a pris le nom de Poiteau ( du nom de jeune fille d'une grand mère)  pendant une trentaine d'années puis a repris le nom à la révolution."  Eric Damiens

*** 

 Robert François Damiens, né le 9 janvier 1715 à La Thieuloye, fils de Pierre Joseph DAMIENS 1681 et Marie Catherine GUILLEMAND, exécuté à l'âge de 42 ans, le 28 mars 1757 à Paris, auteur d'une tentative d'assassinat de Louis XV.

 
Il fut d'abord soldat, puis serviteur dans un collège de Jésuites à Paris, dont il fut chassé pour inconduite. Il servit comme domestique chez de nombreux conseillers du Parlement de Paris, dont certains parmi les plus virulents contre le roi. Il était grand, mince et brun. Il avait un nez en bec d'aigle et son visage était marqué par la petite vérole. Il avait abandonné sa femme et sa fille. Il passait beaucoup de temps au Palais de justice, s'enquérant des nouvelles et jouant le coursier pour tel ou tel magistrat. En ces temps de conflit entre le Parlement et le roi, Damiens n'écoutait que récriminations contre le roi et le cardinal Dubois. Prompt à s'échauffer, il en conclut que le roi devait être puni.


L'attentat



Le mercredi 5 janvier 1757, alors que la Cour était à Trianon, LOUIS XV  rendit visite à sa fille, Madame Victoire, qui était restée alitée à Versailles. Alors qu'il allait regagner son carrosse, Damiens fendit la haie des gardes, le chapeau sur la tête, frappa le roi et recula par la trouée qu'il avait pratiquée. Louis XV crut d'abord à un coup de poing, puis trouva son côté ensanglanté. Les gardes avaient saisi déjà Damiens pour lui faire ôter son chapeau. Le roi cria alors « Qu'on le garde et qu'on ne le tue pas ! ». Il fut transporté à sa chambre. On fit appeler son premier chirurgien, qui se trouvait à Versailles.

L'arme du crime était un canif à deux lames, trouvé dans la poche de Damiens. Celle qui avait frappé le roi mesurait 8,1 cm. La blessure, située du côté droit, se trouvait entre la quatrième et la cinquième côte. Les nombreuses couches de vêtement, nécessaires à cause de l'hiver rigoureux, avaient amorti la plus grande force du coup. La Martinière, premier chirurgien, sonda la blessure : aucun organe n'était atteint. Il s'agissait donc d'une blessure sans gravité donc, à moins que la lame n'eût été empoisonnée préalablement. Un courtisan se précipita auprès de l'assassin que l'on avait traîné jusqu'à la salle des gardes. On l'interrogea, l'homme se récria : « Non, sur mon âme, je jure que non ». Pour la forme et parce que c'était le remède universel de l'époque, les médecins saignèrent le roi par deux fois.

Damiens, quand il avait été appréhendé par les gardes, s'était écrié « Qu'on prenne garde à M. le Dauphin ! » pour détourner l'attention. Néanmoins, on craignait l'existence de complices ou d'une conspiration. Le garde des Sceaux, Machaut d'Arnouville, arrivé peu de temps après, ordonna la torture. On appliqua sur les pieds de Damiens des pincettes rougies au feu, on lui entama profondément le tendon d'Achille, sans réussir à le faire parler. Dans l'après-midi du lendemain, Damiens fut transféré à la geôle de la prévôté de l'Hôtel.



Le procès


À Paris, l'agitation était grande. Le peuple accusa d'abord les Anglais, ensuite les Jésuites. Louis XV devina qu'il s'agissait d'un acte isolé. Il déclara tout de suite qu'il lui pardonnait. Il aurait sans doute préféré une peine symbolique pour une blessure bénigne. Il tâcha de maintenir la discrétion autour de l'événement, et refusa de faire chanter des Te Deum pour sa guérison. Légalement, le crime de Damiens relevait de la prévôté de l'Hôtel, chargée de la police dans les résidences royales. Cependant, il s'agissait d'une tentative de régicide, c'est-à-dire d'un crime de lèse-majesté. Les premiers conseils tenus par le Dauphin évoquèrent une commission de conseillers d'État et de maîtres des requêtes. L'abbé de Bernis objecta que le public en concevrait des soupçons. Il plaida en faveur du Parlement de Paris, et l'emporta.

Le 15 janvier, des lettres patentes ordonnèrent donc que Damiens serait jugé par la grande chambre du Parlement — au lieu de la Tournelle, salle ordinaire des audiences criminelles. Louis XV précisa en préambule :
« Les sentiments de religion dont nous sommes pénétrés et les mouvements de notre cœur nous portaient à la clémence. Mais nos peuples, à qui notre vie n'appartient pas moins qu'à nous-mêmes, réclament de notre justice la vengeance d'un crime commis contre des jours que nous désirons de conserver pour leur bonheur. »

Dans la nuit du 17 au 18 janvier, Damiens fut transféré à la Conciergerie — là où Ravaillac avait été enfermé.

Le procès s'ouvrit le 12 février. Il apparut rapidement que Damiens avait agi seul, mais suite aux propos qu'il avait entendu. Damiens avoua : « Si je n'étais jamais entré dans les salles du palais, et que je n'eusse servi que des gens d'épée, je ne serais pas ici ». Dix audiences se passèrent et le 26 mars, Damiens fut condamné à mort. C'est la peine la plus cruelle qui fut retenue : bûcher après écartèlement.

La Place de Grève


Le 28, la sentence fut exécutée, dans des conditions particulièrement atroces, au grand l'effroi des spectateurs. Les femmes y assistèrent en grand nombre, très intéressées. Les observateurs noteront avec stupeur leur capacité à suivre jusqu'au bout le supplice infligé par le bourreau Sanson, aidé de seize assistants.

Le supplice de Damiens en 1757 d'après une gravure du temps.

"Il ne faut pas confondre les tortures infligées à l'accusé pour lui arracher des aveux à celles, plus atroces encore, qui étaient infligées au coupable après condamnation et comme aggravation de peine. De cette dernière sorte fut le supplice du régicide Damiens, au XVIIIe siècle. Couché sur un matelas, il fut déchiré avec des tenailles rougies au feu, arrosé de plomb fondu, avant que d'être écartelé.

(extrait et image tirés de l'ouvrage "La sorcellerie et la justice en Flandre" (Christiaene et Michel LOOSEN- Foyer Culturel De l'Houtland, Steenvoorde - Edition de 1991)


Le 29 mars, on ordonna que la maison natale du régicide fût rasée, sa femme et sa fille bannis, le reste de sa famille contraint de changer de nom. Damiens avait servi de bouc-émissaire à la magistrature.


Arrêt principal, prononcé contre Damien

Parlement de Paris, Grand’Chambre assemblée, le 26 mars 1757

Vu par la Cour, la Grand’Chambre assemblée, le Procès criminel contre Robert-François Damien…

Tout considéré.

La Cour, suffisamment garnie des Princes et Pairs, faisant droit sur l’accusation intentée contre ledit Damien, dûment atteint et convaincu du crime de Lèse-Majesté Divine et Humaine au premier chef, pour le très méchant, très abominable et très détestable parricide commis sur la personne du Roi ; et pour réparation ;

Condamne ledit Damien à faire amende honorable devant la principale porte de l’Église de Paris, où il sera mené et conduit dans un tombereau, nu en chemise, tenant une torche de cire ardente du poids de deux livres ; et là, à genoux, dire et déclarer que méchamment et proditoirement, il a commis le très méchant, très abominable et très détestable parricide, et blessé le Roi d’un coup de couteau dans le côté droit, ce dont il se repend et demande pardon à Dieu, au Roi et à la Justice ;

Ce fait, mené et conduit dans ledit tombereau à la Place de Grève ; et sur un échafaud qui y sera dressé, tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras de jambes, sa main droite, tenant en icelle le couteau dont il a commis ledit parricide, brûlée de feu de souffre ; et, sur les endroits où il sera tenaillé, jeté du plomb fondu, de l’huile bouillante, de la poix-résine fondue, de la cire et du soufre fondus ensemble ;

Et ensuite son corps tiré et démembré à quatre chevaux, et ses membres et corps consumés au feu, réduits en cendre, et ses cendres jetées au vent ;

Déclare tous ses biens, meubles et immeubles, acquis et confisqués au Roi ;

Ordonne qu’avant ladite exécution, ledit Damien sera appliqué à la question ordinaire et extraordinaire pour avoir révélation de ses complices ;

Ordonne que la maison où il est né sera démolie, celui à qui elle appartient préalablement indemnisé, sans que sur le fonds de la dite maison puisse à l’avenir être fait aucun autre bâtiment.

***

Arrêt subséquent, prononcé contre la famille de Damien

Parlement de Paris, Grand’Chambre assemblée, le 29 mars 1757

Vu par la Cour, la Grand’Chambre assemblée, l’Arrêt d’icelle rendu le 26 mars du présent mois, contre Robert-François Damien, le Procès-verbal de question et d’exécution dudit Damien, du 28 des dits mois et an, les Conclusions du Procureur-général du Roi…

La Cour, les Princes et Pairs y séant, pour les cas résultant du Procès ;

Ordonne que, dans quinzaine après la publication de l’Arrêt du 26 mars du présent mois, et du présent, à son de trompe et cris public en cette ville de Paris, en celle d’Arras et en celle de Saint-Omer, Élisabeth Molerienne, femme dudit Robert-François Damien, Marie-Élisabeth Damien, sa fille, et Pierre-Joseph Damien, son père, seront tenus de vider le Royaume, avec défense à eux d’y jamais revenir, à peine d’être pendus et étranglés sans forme ni figure de procès.

Fait défenses à Louis Damien, frère dudit Robert-François Damien, et à Élisabeth Schoirtz, femme dudit Louis Damien, à Catherine Damien, veuve Cottel, sœur dudit Robert-François Damien, à Antoine-Joseph, autre frère dudit Robert-François Damien, et à Marie-Jeanne Pauvret, femme dudit Antoine-Joseph Damien, ensemble les autres membres de la famille, si aucun y a, portant le nom de Damien, de porter à l’avenir ledit nom ; leur enjoint de le changer en un autre, sur les mêmes peines.

Note. La cruauté du supplice, qui tranche avec le raffinement de l’époque, s’explique par le contexte politique. Les magistrats s’imaginèrent complaire au Roi en multipliant les tortures.

Henri Martin conclut ses développements en observant que « des femmes de la haute noblesse et de la finance crurent faire leur cour en imitant les mœurs du temps de Catherine de Médicis et en se disputant à prix d’or les fenêtres de la Grève pour aller se repaître de ces horreurs. Louis, qui du moins n’ajoutait pas la cruauté à ses autres vices, en eut dégoût. Les juges ajoutèrent à cette barbarie une détestable iniquité : ils condamnèrent au bannissement perpétuel la famille innocente de Damiens, père, femme et fille, avec peine de mort s’ils rentraient en France. A la vérité le roi leur fit une pension ».

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(Source des documents : internet - divers ouvrages)