Robert François
Damiens, né le 9 janvier 1715 à La Thieuloye,
fils
de
Pierre Joseph
DAMIENS 1681 et Marie Catherine
GUILLEMAND, exécuté à l'âge de 42 ans, le 28 mars 1757
à
Paris,
auteur
d'une tentative d'assassinat de Louis XV.

Il fut d'abord soldat, puis serviteur dans un collège de
Jésuites à Paris, dont il fut chassé pour inconduite. Il servit comme domestique
chez de nombreux conseillers du Parlement de Paris, dont certains parmi les plus
virulents contre le roi. Il était grand, mince et brun. Il avait un nez en bec
d'aigle et son visage était marqué par la petite vérole. Il avait abandonné sa
femme et sa fille. Il passait beaucoup de temps au Palais de justice,
s'enquérant des nouvelles et jouant le coursier pour tel ou tel magistrat. En
ces temps de conflit entre le Parlement et le roi, Damiens n'écoutait que
récriminations contre le roi et le cardinal Dubois. Prompt à s'échauffer, il en
conclut que le roi devait être puni.
L'attentat
Le mercredi 5
janvier 1757, alors que la Cour était à Trianon, LOUIS XV rendit
visite à sa fille, Madame Victoire, qui était restée alitée à Versailles. Alors
qu'il allait regagner son carrosse, Damiens fendit la haie des gardes, le
chapeau sur la tête, frappa le roi et recula par la trouée qu'il avait
pratiquée. Louis XV crut d'abord à un coup de poing, puis trouva son côté
ensanglanté. Les gardes avaient saisi déjà Damiens pour lui faire ôter son
chapeau. Le roi cria alors « Qu'on le garde et qu'on ne le tue pas ! ». Il fut
transporté à sa chambre. On fit appeler son premier chirurgien, qui se trouvait
à Versailles.
L'arme du crime était un canif à deux lames, trouvé dans la
poche de Damiens. Celle qui avait frappé le roi mesurait 8,1 cm. La blessure,
située du côté droit, se trouvait entre la quatrième et la cinquième côte. Les
nombreuses couches de vêtement, nécessaires à cause de l'hiver rigoureux,
avaient amorti la plus grande force du coup. La Martinière, premier chirurgien,
sonda la blessure : aucun organe n'était atteint. Il s'agissait donc d'une
blessure sans gravité donc, à moins que la lame n'eût été empoisonnée
préalablement. Un courtisan se précipita auprès de l'assassin que l'on avait
traîné jusqu'à la salle des gardes. On l'interrogea, l'homme se récria : « Non,
sur mon âme, je jure que non ». Pour la forme et parce que c'était le remède
universel de l'époque, les médecins saignèrent le roi par deux fois.
Damiens, quand il avait été appréhendé par les gardes, s'était écrié «
Qu'on prenne garde à M. le Dauphin ! » pour détourner l'attention. Néanmoins, on
craignait l'existence de complices ou d'une conspiration. Le garde des Sceaux,
Machaut d'Arnouville, arrivé peu de temps après, ordonna la torture. On appliqua
sur les pieds de Damiens des pincettes rougies au feu, on lui entama
profondément le tendon d'Achille, sans réussir à le faire parler. Dans
l'après-midi du lendemain, Damiens fut transféré à la geôle de la prévôté de
l'Hôtel.
Le procès
À Paris, l'agitation était grande. Le peuple
accusa d'abord les Anglais, ensuite les Jésuites. Louis XV devina qu'il
s'agissait d'un acte isolé. Il déclara tout de suite qu'il lui pardonnait. Il
aurait sans doute préféré une peine symbolique pour une blessure bénigne. Il
tâcha de maintenir la discrétion autour de l'événement, et refusa de faire
chanter des Te Deum pour sa guérison. Légalement, le crime de Damiens relevait
de la prévôté de l'Hôtel, chargée de la police dans les résidences royales.
Cependant, il s'agissait d'une tentative de régicide, c'est-à-dire d'un crime de
lèse-majesté. Les premiers conseils tenus par le Dauphin évoquèrent une
commission de conseillers d'État et de maîtres des requêtes. L'abbé de Bernis
objecta que le public en concevrait des soupçons. Il plaida en faveur du
Parlement de Paris, et l'emporta.
Le 15 janvier, des lettres patentes
ordonnèrent donc que Damiens serait jugé par la grande chambre du Parlement — au
lieu de la Tournelle, salle ordinaire des audiences criminelles. Louis XV
précisa en préambule : « Les sentiments de religion dont nous sommes pénétrés
et les mouvements de notre cœur nous portaient à la clémence. Mais nos peuples,
à qui notre vie n'appartient pas moins qu'à nous-mêmes, réclament de notre
justice la vengeance d'un crime commis contre des jours que nous désirons de
conserver pour leur bonheur. »
Dans la nuit du 17 au 18 janvier, Damiens
fut transféré à la Conciergerie — là où Ravaillac avait été enfermé.

Le procès
s'ouvrit le 12 février. Il apparut rapidement que Damiens avait agi seul, mais
suite aux propos qu'il avait entendu. Damiens avoua : « Si je n'étais jamais
entré dans les salles du palais, et que je n'eusse servi que des gens d'épée, je
ne serais pas ici ». Dix audiences se passèrent et le 26 mars, Damiens fut
condamné à mort. C'est la peine la plus cruelle qui fut retenue : bûcher après
écartèlement.
La
Place
de
Grève

Le 28, la sentence fut exécutée, dans des conditions
particulièrement atroces, au grand l'effroi des spectateurs. Les femmes y
assistèrent en grand nombre, très intéressées. Les observateurs noteront avec
stupeur leur capacité à suivre jusqu'au bout le supplice infligé par le bourreau
Sanson, aidé de seize assistants.

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Le
supplice
de
Damiens
en
1757
d'après
une
gravure
du
temps.
|
"Il
ne
faut
pas
confondre
les
tortures
infligées
à
l'accusé
pour
lui
arracher
des
aveux
à
celles,
plus
atroces
encore,
qui
étaient
infligées
au
coupable
après
condamnation
et
comme
aggravation
de
peine.
De
cette
dernière
sorte
fut
le
supplice
du
régicide
Damiens,
au
XVIIIe
siècle.
Couché
sur
un
matelas,
il
fut
déchiré
avec
des
tenailles
rougies
au
feu,
arrosé
de
plomb
fondu,
avant
que
d'être
écartelé.
(extrait
et
image
tirés
de
l'ouvrage
"La sorcellerie et la justice en
Flandre" (Christiaene
et
Michel
LOOSEN-
Foyer Culturel De l'Houtland, Steenvoorde -
Edition de 1991)
|
Le 29 mars, on ordonna que la maison natale
du régicide fût rasée, sa femme et sa fille bannis, le reste de sa famille
contraint de changer de nom. Damiens avait servi de bouc-émissaire à la
magistrature.
Arrêt
principal, prononcé contre Damien
Parlement de
Paris, Grand’Chambre assemblée, le 26 mars 1757
Vu par la Cour, la Grand’Chambre
assemblée, le Procès criminel contre Robert-François Damien…
Tout considéré.
La Cour, suffisamment garnie des
Princes et Pairs, faisant droit sur l’accusation intentée contre ledit Damien,
dûment atteint et convaincu du crime de Lèse-Majesté Divine et Humaine au
premier chef, pour le très méchant, très abominable et très détestable parricide
commis sur la personne du Roi ; et pour réparation ;
Condamne ledit
Damien à faire amende honorable devant la principale porte de l’Église de Paris,
où il sera mené et conduit dans un tombereau, nu en chemise, tenant une torche
de cire ardente du poids de deux livres ; et là, à genoux, dire et déclarer que
méchamment et proditoirement, il a commis le très méchant, très abominable et
très détestable parricide, et blessé le Roi d’un coup de couteau dans le côté
droit, ce dont il se repend et demande pardon à Dieu, au Roi et à la
Justice ;
Ce fait, mené et conduit dans
ledit tombereau à la Place de Grève ; et sur un échafaud qui y sera dressé,
tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras de jambes, sa main droite, tenant
en icelle le couteau dont il a commis ledit parricide, brûlée de feu de
souffre ; et, sur les endroits où il sera tenaillé, jeté du plomb fondu, de
l’huile bouillante, de la poix-résine fondue, de la cire et du soufre fondus
ensemble ;
Et ensuite son corps tiré et
démembré à quatre chevaux, et ses membres et corps consumés au feu, réduits en
cendre, et ses cendres jetées au vent ;
Déclare tous ses biens, meubles
et immeubles, acquis et confisqués au Roi ;
Ordonne qu’avant ladite
exécution, ledit Damien sera appliqué à la question ordinaire et extraordinaire
pour avoir révélation de ses complices ;
Ordonne que la maison où il est
né sera démolie, celui à qui elle appartient préalablement indemnisé, sans que
sur le fonds de la dite maison puisse à l’avenir être fait aucun autre
bâtiment.
***
Arrêt
subséquent, prononcé contre la famille de Damien
Parlement de
Paris, Grand’Chambre assemblée, le 29 mars 1757
Vu par la Cour, la Grand’Chambre
assemblée, l’Arrêt d’icelle rendu le 26 mars du présent mois, contre
Robert-François Damien, le Procès-verbal de question et d’exécution dudit
Damien, du 28 des dits mois et an, les Conclusions du Procureur-général du
Roi…
La Cour, les Princes et Pairs y
séant, pour les cas résultant du Procès ;
Ordonne que, dans quinzaine
après la publication de l’Arrêt du 26 mars du présent mois, et du présent, à son
de trompe et cris public en cette ville de Paris, en celle d’Arras et en celle
de Saint-Omer, Élisabeth Molerienne, femme dudit Robert-François Damien,
Marie-Élisabeth Damien, sa fille, et Pierre-Joseph Damien, son père, seront
tenus de vider le Royaume, avec défense à eux d’y jamais revenir, à peine d’être
pendus et étranglés sans forme ni figure de procès.
Fait défenses à Louis Damien,
frère dudit Robert-François Damien, et à Élisabeth Schoirtz, femme dudit Louis
Damien, à Catherine Damien, veuve Cottel, sœur dudit Robert-François Damien, à
Antoine-Joseph, autre frère dudit Robert-François Damien, et à Marie-Jeanne
Pauvret, femme dudit Antoine-Joseph Damien, ensemble les autres membres de la
famille, si aucun y a, portant le nom de Damien, de porter à l’avenir ledit
nom ; leur enjoint de le changer en un autre, sur les mêmes peines.
Note. La cruauté du
supplice, qui tranche avec le raffinement de l’époque, s’explique par le
contexte politique. Les magistrats s’imaginèrent complaire au Roi en multipliant
les tortures.
Henri Martin conclut
ses développements en observant que « des femmes de la haute noblesse et de la
finance crurent faire leur cour en imitant les mœurs du temps de Catherine de
Médicis et en se disputant à prix d’or les fenêtres de la Grève pour aller se
repaître de ces horreurs. Louis, qui du moins n’ajoutait pas la cruauté à ses
autres vices, en eut dégoût. Les juges ajoutèrent à cette barbarie une
détestable iniquité : ils condamnèrent au bannissement perpétuel la famille
innocente de Damiens, père, femme et fille, avec peine de mort s’ils rentraient
en France. A la vérité le roi leur fit une pension ».
***

(Source
des
documents
:
internet
-
divers
ouvrages)
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