Jean François Lefebvre de La Barre
Petit-fils d'un Lieutenant Général et gouverneur de la Nouvelle France, il
naquit en 1747, à Férolles-en-Brie près de Coutances, et fut condamné à mort et
exécuté le 01/08/1766 à Abbeville, à l'âge de 19 ans, pour avoir commis plusieurs
profanations et sacrilèges. Orphelins, les deux frères La Barre sont recueillis en 1764 par leur
tante à la mode de Bretagne, Madame FEYDEAU, abbesse de Willancourt. Elle tient
salon et reçoit les personnalités de la ville. Les enfants de ces notables sont
une petite bande bruyante, chahuteuse et volontiers anticléricale.
Il semble que la vie dans le logis abbatial ne manquait pas
d'agréments. Madame FEYDEAU invitait les amis de son neveu à des soupers fins et
quelques peu galants. Selon François César LOUANDRE, l'Historien d'Abbeville, «
c'était un bruit généralement répandu que des jeunes gens, dans leur parties
secrètes de plaisir, mêlaient l'inéligion à la débauche». (Cf. Histoire Ancienne
et Moderne d'Abbeville et de son Arrondissement) . Lorsque dans la nuit
du 9 aout 1765, deux crucifix furent profanés à Abbeville, l'un mutilé, l'autre
couvert d'immondices, les soupçons se portérent tout naturellement sur le
Chevalier DE LA BARRE et ses amis. Monseigneur DE LA MOTTE, Évêque d'Amiens,
ayant publié un monitoire à l'occasion de cette affaire, des témoins déposèrent
que ces jeunes gens étaient passés le jour de la Fête-Dieu à 25 pas du
Saint-Sacrement sans se découvrir et sans se mettre à genoux. Le
Lieutenant Criminel de la Sénéchaussée de Ponthieu, DUVAL DE SOICOURT, ordonna
la prise de corps. DE LA BARRE fut arrêté le 1er octobre 1765 et l'un de ses
anus, le nommé MOISNEL, le lendemain. Les autres inculpés (GAILLARD D'ESTALLONDE
DE MORIV AL - qui prit la fuite en Prusse -, J.F. DOUVILLE DE MAILLEFER et P.F.
DEMAISNIEL) avaient réussi à prendre le large. La sentence rendue le 28
février 1766 par le Tribunal de la Sénéchaussée condamnait DE LA BARRE et
MOISNEL à mort, le premier à avoir le poing coupé, la langue arrachée et à être
brulé vif - soit le corps réduit en cendres - pour avoir mutilé un crucifix, le
second par le feu. Les crimes reprochés à DE LA BARRE étaient les suivants:
- Blasphèmes Chansons infamantes - Inévérence envers le
Saint-Sacrement le jour de la Fête-Dieu -
«Blasphèmes énormes et exécrables
contre Dieu, la Sainte Eucharistie, la Sainte Vierge, la religion et les
Commandements de Dieu et de l'Église» - Diverses graves profanations, dont celle
du « Mystère de la Consécration du Vin, l'ayant tourné en dérision, en
prononçant à voix demi basse et à différentes reprises, dessus un verre de vin
qu'il tenait à la main, les termes impurs mentionnés au procès ».
"...Et au dit-lieu, le condamnons à avoir la langue coupée.
Cela fait, il sera conduit dans le même tombereau dans la place publique et
principal marché de cette ville, pour, avoir la tête tranchée et être son
corps mort et sa tête jetée au feu dans le bûcher ardent pour être réduits en
cendres... Ordonnons, que le Dictionnaire philosophique portatif faisant partie
des dits livres qui ont été déposés en notre greffe, sera jeté par
l'exécuteur de la haute justice, dans le même bûcher ou sera jeté le corps
dudit lefebvre de La Barre et en même temps..." Fait et arrêté en la Chambre
du Conseil de la Sénéchaussée du Ponthieu à Abbeville, le 28 février
1766. Signé : Duval de Soicourt, Lefebvre de Villiers et Broutelle.
"
L'abbesse de Willancourt fait intervenir ses relations.
Les condamnés firent appel et furent transférés à Paris. Le 4 juin 1766, la
Grand-Chambre du Parlement de Paris fit droit à l'appel de MOISNEL et rejeta
celui du Chevalier DE LA BARRE. Ce dernier fut ramené à Abbeville où il subit,
le 1er août 1766, à 6hOO du matin, la Question Ordinaire et Extraordinaire, et à
17h00 le supplice de la décapitation. Son corps fut brûlé en même temps que
divers ouvrages impies trouvés chez lui, dont le Dictionnaire Philosophique
Portatif de VOL TAIRE. Il mourut en chrétien, assisté par le Père BOSQUIER,
dominicain, et embrassa plusieurs fois le crucifix avant de tendre son cou à
l'exécuteur.

VOLTAIRE se déclara indigné par la « barbarie» des juges
d'Abbeville. Il entreprit une campagne pour la réhabilitation du jeune
Chevalier, mais ses efforts n'aboutirent pas. DE LA BARRE est encore aujourd'hui
présenté comme une victime de l'intolérance religieuse et connne unl11artyr de
la pensée libre. Curieuse intolérance qui sacrifiait un adolescent pour quelques
folies de jeunesse et qui, en même temps, laissait VOLTAIRE, DIDEROT, D'HOLBACH,
HEL VETIUS et bien d'autres, écrire en paix leurs libelles matérialistes et
athées. Il fut réhabilité le 16 novembre 1793, par la Convention. Le socle
d'origine avec les inscriptions "Chevalier de La Barre supplicié à l'âge de 19
ans pour n'avoir pas salué une procession" reste en place, pres de la gare
D'Abbeville Une liste de plus de 60 Rues et Places au nom du Chevalier de La
Barre, un peu partout en France, et même en Belgique.

|