Traditions villageoises

à Verquigneul  …  et Ailleurs.

Accueil

Mail

 

 

"Faire Bourdis" et "la St Eloi des Fermiers", j'les ai écrits d'après min ami Jean Baclet ! Ché sin père qu'y raconto ch't'affaire éd feux dans ché campagnes.

André Vansemmortier

 

 

J'ai bien connu la Ste Barbe (qui nous donnait un jour de congé dans nos écoles !), ainsi que la St Eloi des fermiers, mais "Faire Bourdis" remonte trop loin pour que j'en aie souvenir.

 

 

Faire  Bourdis  à  ch'ti  boclet

 

 

  Il s'agit ici des Feux de la Saint-Jean d'été (24 juin).Dans le "Guide de la Flandre et de l'Artois mystérieux", par Claude Malbranque, P 181 -182, on peut lire à propos de feux de joie qui s'organisaient dans nos campagnes:

 

 "…On reste en droit de se demander si les lieux-dits Montjoie à Hacquinghem près de Licques, à Saint-Léonard, à Montcavrel, à Airon-Saint-Vaast, sur d'anciennes voies romaines ou pré romaines, celui de Sibiville près de Frévent, et le Mont de Joie de Saint Martin Lez Boulogne, ont ou n'ont pas été voués au culte de Jupiter(Jovis), ou aussi s'ils ne rappellent pas les feux de joie que les celtes allumaient sur les hauteurs à certaines dates de l'année solaire.(P. Saintyves : Les liturgies populaires.).Il y a aussi  un feu de joie à Wimille, un autre au Mont Soleil à Outreau.…"

 

  "…Les feux de la Saint Jean, christianisation de ceux qui célébraient la gloire du soleil au solstice d'été, ont persisté jusqu'à une date récente dans nombre de nos villages. A Berck Ville, le clergé bénit encore le bûcher de la Saint-Jean et, quelques jours plus tard, celui de la Saint-Pierre…."

  "…Jusqu'à la fin du XIX° siècle, les brandons ou bourdis  (feux du premier dimanche de carême),s'allumaient sur tous les crocqs du boulonnais : mont Cornet, mont Savary, etc.…et dans maints villages de l'Artois…"

 

  En ce qui concerne notre village, mon père, ainsi que des personnes âgées, m'ont raconté qu'avant la guerre 14/18, on faisait aussi "bourdi". Les villageois se réunissaient autour d'un feu de joie, et on y dansait au son d'un accordéon. Ce feu était allumé en dehors du village près du marais et selon les indications que j'ai retenues, l'endroit se serait situé dans le prolongement de la rue du Dr Leleu actuelle, le long de la pâture de Michel Dumont, à l'extrémité du fossé qui la longe, là où il rejoint le chemin charretier qui part de la rue Jules Ferry à Labourse. Il se trouve quelques mètres carrés incultes, juste à l'angle de la pâture et du champ jouxtant la propriété de Mr Pinchon. Le fossé fait deux virages successifs avant de rejoindre le marais.

  Je pense que ce "feu de bourdi" n'avait pas lieu en temps de carême, mais bien à la Saint-Jean d'été. En effet, c'était l'époque du jour le plus long qui marquait  aussi le basculement dans le travail des communes agricoles. Après l'entretien des sols et les semailles allait arriver le temps des récoltes.

 

 

 

La Sainte Barbe.

 

 

 Ce qui reste plus particulièrement dans les traditions est la phrase: "faire quinzaine Sainte Barbe". En effet, une douzaine de jours avant la fête, beaucoup de mineurs(volontaires) restaient en permanence au fond de la mine où ils dormaient même, pour abattre le plus possible de travail pour gagner plus d'argent en prévision de cette fête. Les épouses ou leurs filles leur apportaient à manger au carreau et les repas descendaient par la cage.(jusqu'aux environs de 1914, date charnière semble-t-il) .Parmi les vieilles personnes du village reste une locution familière : "Le curé a fait sa quinzaine Sainte Barbe", disait-on lorsqu'il avait célébré beaucoup de cérémonies durant la semaine.

 

  Ce jour-là, tous les mineurs assistaient à la messe (conviction, ou obligation - c'était le temps des compagnies!). A Noeux, les ingénieurs devaient porter un cierge! Les hommes étaient en tenue, barrette bien cirée.

 

  L'après-midi se passait dans les cafés (il y en avait 24 au village dont une bonne dizaine autour de la fosse, car avant 1920, les mineurs étaient payés chaque quinzaine, dans les cafés.).On y dansait au son de l'accordéon, on y jouait au billon ou à la toupie.

 

  Jusqu'à la récession, 1968 à Verquigneul, la Sainte Barbe est restée une fête chômée. Ce jour-là, les écoliers étaient en congé !

 

  Actuellement, elle est devenue la fête des médaillés du travail. L'église abrite toujours une statue de la sainte patronne. Autrefois des mineurs la promenaient dans les rues du village lors des deux processions annuelles.(juin & 15 août).

 

 

 

La  Saint Eloi  des  fermiers.

 

 

  Cette fête remonte au plus loin dans la mémoire des fermiers et de leurs aïeux.

  Elle consistait essentiellement en une messe avec la bénédiction de morceaux de pain qu'ils mangeaient et dont ils donnaient une part aux bêtes. Ce geste représentait symboliquement santé et fécondité.

  Insensiblement, la tradition a évolué et, au pain, est venu s'ajouter le pain gâteau plus particulièrement réservé aux humains.(années 1930 : l'Abbé Charles).

 

  Chacun à son tour, le fermier payait la messe et le gâteau. Celui qui recevait la croûte prenait la suite l'année suivante.

 

  Un banquet organisé là aussi à tour de rôle, ponctuait la journée. Ces agapes se déroulaient au domicile même du fermier.

 

  Quand l'Abbé Poiret est arrivé, il a refusé de bénir le pain pour les bêtes. "On ne donne pas du pain bénit aux animaux…".

 

  Les fermiers les plus âgés ont continué la cérémonie mais les jeunes ont peu suivi, et avec la diminution des exploitations agricoles, c'est encore un peu de notre mémoire qui disparaît.

 

  Signalons aussi qu'avant 1914, les champs étaient tous bénis en trois jours, en dehors de la Saint Eloi, les jours des Rogations. Autre coutume joliment surannée, perdue avec toutes les autres.