La mémoire des terrils
Les terrils ont moins
de mémoire qu’on ne le prétend sinon ils s’interpelleraient encore de corons à
corons, de villes en villes, comme ils le faisaient les matins de grève ou de
catastrophe, lorsque le pays des mines criait sa colère ou sa douleur.
Le plus grandiloquent
proclamerait : du haut de ma noire pyramide, un siècle et demi
d’exploitation forcenée des hommes vous contemple !
Le plus
sentencieux : savez-vous que chaque tonne de schistes qui me composent
représente des milliers de francs d’amende qui furent retenus sur les salaires
des mineurs coupables d’avoir laissé trop de cailloux dans le charbon
remonté ?
D’autres
s’échangeraient des nouvelles : combien de jeunes hommes aux poumons de
pierre étaient-ils morts autour de vous ?
Et combien de veuves ?
Certains évoqueraient
cette odeur rude de fraternité qui montait des corons et ces accents de
fanfares, ces airs d’accordéon qu’ils entendaient les soirs où il faisait la
fête dans les cœurs.
Non les terrils n’ont
plus guère de mémoire. La plupart ont revêtu
un paisible camouflage de treillis d’arbustes et de cris d’oiseaux et jouent au
tertre arboré.
Un autre s’est
reconverti en piste de ski artificielle, d’une fluorescence acidulée.
Celui de Calonne-la
rouge, qui n’en pouvait plus d’être fouillé à coeur, à explosé de colère.
Et cet autre, se
souvient-il de cette nuit de 1934 au cours de laquelle deux solides abatteurs
avaient déboulonné le Christ grandeur nature et couleur chair du calvaire d’où
il veillait sur le coron ?
Ils avaient juché sur
leurs épaules cette masse de fer moulée et gravi sa pente, plus raide que celle
du Golgotha ?
Ahanant et soufflant,
jurant à chaque glissade, ils avaient hissé le crucifié jusqu’au sommet, planté
ses pieds dans la pierraille qui venait de leur enfer et coiffé sa couronne
d’épines du noir chapeau de cuir des mineurs.
Si les terrils ne se parlent, ne nous parlent
plus, faut-il pour autant se taire?
Maurice Andrieux .
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IN RINTRANT DE L’FOSSE
ch'lhomme quand y rinte de l'fosse
n'a foque besoin ed’deux cosses
eune bistoule pou s'récauffer
et un bain pou s'decrasser
ch'est pas pasqu'in a un sale métier
qu'in dot rester crapet
eune fos s'quémiche cangée
eune marrone prope infilée
i s'sint déjà gramint mieux
ch'est presque un homme heureux
pou l'peu que s'femme in l'attindant
al y a préparé un bon rassacache
y s'mettra à l'tape in pinsant
que dins l'fond y est bin bénache
CH’ PAIN D’ALOUETTE
Ah qu’ch’ étot bon ech’pain d’alouette
Qu’min père y ramenot dins s’musette
Bien meilleux que ch’pain d'épice
Pour mi ch’étot un vrai délice
Ed’savoir qu’y arvenot du fond
In sintant l’odeur du carbon
Ch’étot comme un dessert
J’m’in faisot toute eune chair
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